Avant de plonger dans l’analyse et toutes autres formes de réflexion (quelles soit hypothèses, essais, etc.), il faut d’abord parler du terrain et de la méthodologie mise en place. Ce terrain, c’est la genèse de toutes les observations qui suivront par la suite. Bien sûr, je vous livrerai le fruit de ce travail. Mais, ce terrain a ouvert la porte à une réflexion bien plus large sur la conversation et la voix qui viendra en son temps. Commençons par le commencement !

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Liste des acronymes régulièrement utilisés afin de vous y retrouver :

• Assistance vocale (AV)
• Ecole de production (EDP)
• Gestion de projet en ligne (GPL)
• Institut catholique des arts et métiers (ICAM)
• Interactions homme-machine (IHM)
• Maître professionnel en chaudronnerie (MPC)
• Participant (P)
• Petite et moyenne entreprise (PME) – Représente ici l’entreprise détentrice de l’assistance vocale (AV)
• Société de gestion de maintenance de réseaux (SGMR)

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Les enjeux industriels et professionnels

Lorsque l’on travaille directement avec des professionnels du monde industriel¹, il ne s’agit plus uniquement de développer sa recherche scientifique mais d’être dans la recherche appliquée. En guise de problématiques, nous pourrions parler d’enjeux.

Pour la SGMR, l’assistance vocale de la PME devait permettre au technicien de remplir la fiche de maintenance à l’oral directement au poste du réseau. Jusqu’à présent, le technicien remplissait cette fiche sur son ordinateur. Si certains le faisaient dès que le travail était fini, d’autres la remplissait quelques jours plus tard. De fait, les informations de maintenance n’étaient pas tenue à jour. En proposant une AV à leurs techniciens, la direction de la SGMR espérait faciliter le remplissage de cette fiche. A chaque étape du processus de maintenance, le technicien n’avait qu’à dire oralement ce qu’il faisait et l’AV, en venant valider l’information, permettait à la fiche d’être remplie au fur et à mesure quasiment instantanément.

Pour l’EDP, l’enjeu était tout autre. Nous passons d’un milieu professionnel à un milieu éducatif. L’AV devait venir étayer les élèves en difficulté dans leur apprentissage.  Il n’était pas question que l’élève devienne dépendant de l’AV : à la fin de son apprentissage, il devait parfaitement maîtriser sa technique en toute autonomie. Nous reviendrons sur cela.

Enfin la PME souhaitait faire progresser son AV sur l’échelle Technology readiness level (TRL) du niveau six au niveau sept. En contactant l’Icam site de Toulouse, elle accédait ainsi au savoir des chercheurs en Humanités sur les notions d’acceptabilité sociale et d’acceptation située des nouvelles technologies dans le milieu professionnel (Bobillier Chaumon). Et en ayant deux lieux à sa disposition, la SGMR et l’EDP, la PME pouvait mettre son AV à l’épreuve.

Comment intégrer de nouvelles technologies au sein des entreprises ou pour le dire autrement comment amener les futurs utilisateurs à accepter une nouvelle technologie dans leur vie professionnelle ? C’était là notre problématique de départ. Mais l’observation m’a amenée sur un autre sentier. C’est souvent comme ça dans la recherche. Et à chaque fois que je fais de l’ethnographie, le terrain me montre quelque chose qui n’a rien à voir avec ma problématique de base. Est-ce que nous avons répondu à cette problématique ? Oui, dans le rapport final destiné à la PME et qui reste confidentiel. Est-ce que cette réponse était tranchée ? Pas du tout ! C’est toujours une grande question et sur ce thème, je vous renvoie vers Yann Ferguson désormais directeur du LaborIA à l’Inria.  Et moi et bien, j’ai pris une autre voie, portée par la voix de l’AV².

Terrain et méthodologie

1. La société de gestion de maintenance de réseaux (SGMR)

En Mai 2021, l’équipe de la PME porteuse de l’assistance vocale (AV) a procédé à une journée d’observation auprès d’un groupe témoin chez SGMR. Ce binôme de techniciens a effectué la maintenance d’un poste du réseau. Les données récoltées ainsi que la fiche de maintenance fournie par SGMR ont servi de support pour développer l’AV qui sera testée par la suite.

C’est en Décembre 2021 que les tests ont commencé. La PME ayant été en contact avec SGMR avant que l’Icam site de Toulouse ne soit intégré, c’est leurs équipes qui ont déterminé la procédure à suivre. Trois binômes ont été désignés pour effectuer ces tests. Le groupe 1 est composé de personnes travaillant dans les bureaux. Nous les nommerons respectivement participant 1 (P1) et participant 2 (P2). P1 est chef de pôle (ancien technicien) et P2 est pilote innovation et transformation. Le groupe 2 et le groupe 3 sont exclusivement composés de techniciens en binôme que nous appellerons participants 3 et 4 (P3 et P4) et participants 5 et 6 (P5 et P6). Chaque test dure une demi-journée : le 9 Décembre 2021 pour le groupe 1, le 11 Janvier 2022 pour le groupe 2 et le 18 janvier 2022 pour le groupe 3. Tous les participants seront équipés d’un casque audio à conduction osseuse pendant les essais. 

L’équipe de l’Icam site de Toulouse (dont je faisais partie avec Yann Ferguson) a été présente pour chaque test afin de procéder à une enquête ethnographique : prises de vue audiovisuelles, prises de notes et bilan de ce retour d’expérience avec les participants. Faisant suite à ce travail de terrain, deux questionnaires leur ont été transmis : un sur l’expérience en elle-même et l’autre sur le niveau de maturité numérique. Enfin, un entretien téléphonique semi-directif de vingt minutes environ a été réalisé quelques jours après. Si tous ont participé aux tests et ont répondu aux questionnaires, trois (P4, P5 et P6) n’ont pas donné suite à l’entretien soit la moitié des participants.

Nous avons privilégié une approche inductive justifiée par un nombre peu élevé de participants (six) et un temps d’observation réduit (trois demi-journées en tout). 

2. L’école de production (EDP)

Les tests ont tous été réalisés directement à l’EDP. Ils ont été effectués en deux temps : d’abord avec un maître professionnel en chaudronnerie (MPC) (décembre 2021 et mars 2022) en ma présence et celle du représentant de la PME ; puis avec G., élève en première année de CAP chaudronnerie (mai 2022) toujours en ma présence et celle du MPC. Le choix s’est porté sur la chaudronnerie plutôt que l’usinage suite aux relevés sonores effectués au premier semestre pendant la phase d’ethnographie. La chaudronnerie étant plus bruyante, c’était l’occasion de pouvoir tester la robustesse de l’assistance vocale.

C’est avec une tablette et un casque micro filaire à bouton poussoir pour activer et désactiver le micro que tous les tests ont été réalisés. Cet équipement était fourni par la PME. Si au départ, il était question d’utiliser un casque à conduction osseuse, cela ne fut pas possible à cause du problème de connexion bluetooth dudit casque avec la tablette.

L’EDP avait expressément demandé à ce que le logiciel de l’assistance vocale soit connecté avec leur logiciel de gestion de projet en ligne (GPL) permettant de faire avancer le ticket des différentes gammes au fur et à mesure des étapes successives de réalisation jusqu’à aboutissement. 

Chaque test a été filmé et le testeur nous a fait part de ses retours après utilisation.

Les limites

Il convient d’évoquer les limites rencontrées sur ces deux terrains. Ainsi le lecteur pourra se faire une idée de la difficulté de cette recherche et comprendra que l’étude qui suit nécessiterait sûrement d’autres observations afin de valider ou d’invalider ces résultats liminaires.

1. La société de gestion de maintenance de réseaux (SGMR)

Le lieu, la durée, le choix et le nombre de participants pour réaliser les tests ont été déterminés par la PME détentrice de l’assistance vocale et la SGMR avant mon arrivée au sein du groupe de recherche. De même, l’équipement technique qui supporte l’assistance vocale a été choisi par la PME. J’aurais préféré désigner des participants constants, représentatifs de leur profession, qui auraient réalisé des tests réguliers afin de donner leurs retours sur les corrections et les améliorations apportées à l’assistance vocale.

Aussi, il serait juste de poursuivre cette étude auprès d’un plus grand nombre de professionnels industriels (techniciens, ouvriers, etc.) afin de valider quantitativement cette étude inductive.

2. L’école de production (EDP)

Si ce terrain devait être à la base assez long, il en fut autrement pour deux raisons majeures. Tout d’abord, le matériel destiné à l’EDP et fourni par la PME n’était pas prêt. L’entreprise était déjà fortement investie dans la préparation des tests auprès de la SGMR. Ensuite, et malgré la présentation du projet que nous avons co-réalisé avec Yann Ferguson (docteur en sociologie) à l’EDP en présence des élèves, du corps enseignants et de l’administration, la direction de l’EDP a décidé que le temps passé à faire ces tests serait trop long, ce temps étant précieux pour honorer les commandes en cours. Nous avions espéré pouvoir réaliser des tests hebdomadaires avec deux élèves de mars à mai 2022 (soit trois mois).

Finalement, il nous a été accordé deux heures en mai (deux rencontres d’une heure maximum chacune) avec un seul élève. Aussi, nous ne pourrons fournir une analyse que sur les impressions de cette première prise en main. Ces tests ne peuvent être représentatifs d’une utilisation sur la longue durée.

A suivre

1. Pour rappel, j’étais en post-doctorat à l’Icam site de Toulouse. L’Icam forme des ingénieurs. Cet institut tisse des liens étroits avec le monde industriel afin de plonger leurs étudiants au cœur des problématiques qu’ils auront à gérer au cours de leur future vie professionnelle. [↩]
2. Est-ce que la voix est un sujet qui fait écho à ma vie de soprano ? Va savoir ! [↩]

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